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8 septembre 2008

Let'get lost - Chet Baker

"Let's get lost - Chet Baker"
film de Bruce Weber (1988)

"Let's get lost", le film de Bruce Weber sur Chet Baker,
est ressorti cet été sur les écrans,
avec une belle copie restaurée.

Je l'avais déjà vu peu après sa sortie en France,
mais j'ai été le revoir fin juillet.

Rien à faire, c'est un film magnifique...
mais profondément malhonnête.

Bruce Weber, le réalisateur, est moins cinéaste que photographe de mode,
farouchement attaché au noir et blanc,
connu pour ses campagnes pour Calvin Klein, Abercrombie, Ralph Lauren...

C'est en tant qu'amateur de photo noir et blanc, de mode - et aussi en tant qu'homo -
que Weber s'intéresse à Chet Baker.
Autant dire que le jazz ne le branche pas plus que ça...

Weber est fasciné par les photos de Chet par William Claxton, dans les années 50,
qui font de notre trompettiste et chanteur à la belle gueule,
une sorte d'Adonis à la James Dean,
fragile et un peu voyou...
tout pour plaire!

En effet, à l'époque, blanc, talentueux et chanteur suave,
il avait tout pour faire une carrière de playboy, de milliardaire et d'acteur adulé.

Pour cette raison, le microcosme des musiciens de jazz détestaient Chet Baker,
en qui ils voyaient alors un ersatz de Miles Davis formaté pour le marché blanc,
chantant avec une "voix de fiotte" pour les minettes ennamourées...

Un peu ce que fut Elvis par rapport au rythmn and blues noir, quoi.

Mais Chet Baker a déployé une vigoureuse énergie auto-destructive,
pour bousiller sa belle image lisse,
parcourant les States, l'Allemagne, l'Italie, la France,
dans un pandémonium de bringue, de saoulerie, et d'usage forcené des drogues,
d'où une vie ponctuée par les délits, les arrestations, les incarcération, les divorces...

chet1

Voilà notre homme perdu pour Hollywood et l'American way of life,
plus ou moins lâché par le milieu jazz,
évoluant dans un marché de la musique qui se détourne du jazz pour se déployer vers le rock, la pop, la soul,
toujours entre deux passages en tôle,
perpétuellement en état de manque et donc à la recherche de fric,
ce qui n'est jamais une façon de se faire beaucoup d'amis...

1966, première chute d'Icare :
dans une sombre embrouille tournant autour du deal d'héroïne,
Chet se fait tombé dessus par des mecs qui le roue de coup,
et lui casse la machoire et pas mal de dents...

C'est connu, un trompettiste a sacrément besoin de bonnes dents pour jouer.
Chet doit donc laisser tomber la musique et devient pompiste...

À ce point de l'histoire, on peut croire notre homme perdu pour la musique.

Mais peu à peu, Chet réapprend à jouer avec un dentier,
retrouve un peu de confiance en lui,
sa musique gagne en maturité et en profondeur,
et grâce à un coup de pouce de Dizzy Gillespie,
il rejoue en 1973 à New-York.

Retour du mort-vivant dans l'arène du jazz.

Les 15 dernières années de sa vie, Chet joue beaucoup en Europe,
enregistre énormément, et sa notoriété s'accroit.
Mais ses problèmes d'addiction ne l'ont pas quitté...

Chet Baker meurt à Amsterdam le 13 mai 1988,
en tombant d'une fenêtre dans des conditions mystérieuses :
suicide? accident? meurtre? réglement de compte?
Seconde et fatale chute d'Icare, en tout cas.

Chet Baker a alors 57 ans et en paraît 70...

18934170

Le film raconte tout ça dans un noir et blanc impeccable,
et dans un va et vient permanent entre archives et prises de vues de 1987,
entre Chet jeune et Chet vieux.
On sent bien que Weber se délecte de filmer sa décrépitude physique,
derrière laquelle perce quand même un fantôme de beauté.

Assez peu de musique, et surtout de morceaux complets.
Si on voit Chet Baker jouer et chanter, ou interviewé,
on le voit aussi baladé ici ou là par le réalisateur,
jouant dans les auto-tamponneuses,
en bagnole décapotable, au bistrot,
sur la plage de Santa Monica,
ce qui est d'un intérêt... limité.

Weber, de plus est extrêmement manipulateur :
il est allé rencontrer ces anciennes compagnes et ses enfants,
qui racontent tous quel immonde salaud il est... et lui réclame du fric!
De plus, elle disent copieusement des horreurs les unes sur les autres.
Ambiance!
C'est très déplaisant et ça décrit tout une comédie humaine pas très sympa.

Chet Baker, lui flotte.
Il flotte dans les airs, toujours envapée,
semblant vouloir se heurter à la réalité le moins possible,
vouloir l'effleurer, la survoler...

S'il n'était que cela, "Let's get lost" serait un film détestable.

Mais il y a la musique, peu, mais c'est déjà ça.
Lorsque Chet joue ou chante, la profondeur et l'intensité de son propos crève l'écran,
et fait basculer le spectateur vers une autre dimension,
vers le plus profond de lui même...
Ainsi dans la scène utilisée pour la bande-annonce,
- dans laquelle il interprète "Almost Blue" d'Elvis Costello devant un public de fêtards, au festival de Cannes, peu concernés par Chet -
l'une des plus belle du film.

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Commentaires
R
> Ptilou, <br /> "le jazz n'est pas un long fleuve tranquille...", dis-tu,<br /> et c'est sacrément vrai.<br /> Je me demande toujours comment,<br /> dans des conditions de vie pareilles,<br /> tant de jazzmen ont pu créer tant de chef d'oeuvres,<br /> plein de beauté, d'équilibre, de fraîcheur, d'intelligence, de tendresse, parfois...<br /> <br /> >Dorham, <br /> c'est vrai aussi que ceux qui ne savent pas bien comment parler du jazz dans un film,<br /> parlent de l'à-côté, de la drogue, <br /> de l'errance, de la discrimination, <br /> tout ça.<br /> C'est tout de suite plus romanesque, <br /> plus romantique :<br /> ça fait récit, quoi!<br /> C'est pas facile au fond de filmer le jazz, <br /> la musique en général, d'ailleurs...<br /> <br /> >Oui, guette ça, Grazie,<br /> en espérant qu'il n'y est pas déjà passé cet été.<br /> Renseigne-toi à l'occasion.<br /> <br /> >T'inquiète, Dorham, j'avais pigé!
D
Dans mon premier commentaire, quand je dis que ça me rebute, je ne parle pas de ton texte, hein, mais de ce que tu dis du film sur le voyeurisme, la malhonnêteté...<br /> <br /> Je présise car la première phrase peut porter à confusion même si je pense que tu ne t'es pas mépris sur son sens...<br /> ce qui rend mon commentaire inutile...
C
Bon ben j'ai plus qu'a attendre qu'il passe à utopia.<br /> Finalement la destruction que l'on fait de sa vie est question d'interprétation et de ressenti.
D
Je n'ai jamais vu ce film et tu en parles quand même d'une façon qui me rebute un peu. L'extrait qu'on entend dans la vidéo est sublime et il est en effet couvert par un propos assez rabaché, notamment cette sentence attribuée à Bird qui avait peut-être ce soir là - si tel fut le cas - envie d'enquiquiner ses camarades de groupe (surtout Miles d'ailleurs)...<br /> <br /> On pourrait faire ce genre de films sur Billie Holliday et même sur Bird à vrai dire. Leur déchéance est si spectaculaire !<br /> <br /> La drogue est, on le sait, inhérante à celle du jazz, totalement liée, mais tous n'ont pas connu une vie aussi dure, éprouvante, vénéneuse que les précités (plus Pepper dont parle à juste titre p'tilou)...<br /> <br /> Chouette commentaire-oraison en tout cas.
P
Tout comme toi , je l'ai vu au 1er tour, puis l'ai revu en juillet (20 ans après...). Film noir et gris et comédie humaine assez terrible... J'en aime bien l'esthétique mais l'atmosphère est assez sombre... Les génies sont parfois des anges noirs un peu malsains... Les séances de chant en studio sont courtes mais belles...<br /> Le jazz n'est pas un long fleuve tranquille... qu'il ait été copain avec Art Pepper laisse imaginer une drôle d'ambiance... Ils devaient faire une sacré paire... chez le dealer.
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