ma drôle de Valentine
Miles Davis - My Funny Valentine 1964
envoyé par Yedi
Ah c'est beau "My Funny Valentine", ouai...
C'est romantique tout plein,
c'est tout doux, tout mignon.
N'empêche que si, comme moi,
vous aviez retourner Dailymotion et You Tube de fond en comble pour en trouver la meilleure version à offrir à votre belle,
en ce "valentine's day",
je crois bien que vous auriez comme moi une overdose de guimauve.
Richard Roger & Lorenz Hart ont écrit cette chanson en 1937 pour une quelconque comédie musicale de Broadway.
En 1952, elle est magistralement ressucitée en jazz par Chet Baker et Gerry Mulligan.
Après quoi tous le show-biz se rue dessus pour enregistrer son "My Funny Valentine",
et en font la bluette que l'on sait,
ouvrant les vannes d'un flot ravageur de mielleries douceâtres garanti pur trémolos.
Miles Davis et son quintet, à Milan en Octobre 1964,
opte pour une relecture radicale de "Valentine".
Fini les trémolos,
cassée la belle mélodie,
décapée la joliesse,
basta la sentimentalité facile.
En Picasso du jazz,
Miles peint au couteau acéré,
et pratique la déconstruction créatrice.
De même que Picasso a chamboulé "Les Ménines" ou "Le déjeuner sur l'herbe",
Miles bouleverse "My Funny Valentine",
la renverse cul par dessus tête,
n'en garde que la structure,
les grandes lignes,
la courbure rhytmique,
le contour harmonique.
et s'en sert comme d'un tremplin à improvisation.
À la trompette,
il peint d'abord une série de variation sur "My Funny Valentine",
série impeccable,
irrévocable,
nette et sans bavure,
sans rien de trop.
Au cordeau.
Les autres membres du groupes prennent le relais.
Wayne Shorter s'avance, saxophone tenor au bec,
pour raconter une étrange histoire lunaire,
pleine de songe et d'échappée,
une histoire qui s'emballe et qui s'envole,
part en tous sens comme une volée de moineaux,
déployant un discours ne racontant plus que de loin l'histoire de Valentine...
Pendant ce temps, Miles tournant comme un lion en cage,
glisse une vanne en douce à son batteur,
et arpente les arrières de sa formation,
comme un Pablo-Minotaure son antre à peinture.
Herbie Hancock enchaîne au piano quelques idées succintes et furtives
comme des idées qu'il garderait par devers lui.
Miles conclu,
pose la touche finale au chef d'oeuvre,
cependant que Ron Carter doux géant - dans tous les sens du mot - de la contrebasse
et Tony Williams jeune lion de la batterie,
font silence,
et laisse les dernière volute de "Valentine" s'échapper dans les airs...
Puis ils enchainent sur "Footprints", mais c'est une autre histoire...